Un plan vient d’être voté par la métropole de Lille pour booster l’usage des transports en commun, booster la marche et le vélo, changer nos voitures et surtout l’usage qu’on en fait. Ce plan de mobilité doit guider les décisions dès 2023 et jusqu’en 2035. Quel rôle doit jouer la ville-centre, Lille ?

Retrouvez mon intervention au conseil municipal de Lille du 30 septembre 2022. Regard critique sur « l’avis de la ville de Lille sur le plan de mobilités métropolitain ».  Texte complet ci-dessous.

Le vrai challenge du plan de mobilité voté à la métropole européenne de Lille, c’est la mise en œuvre. 


“Au risque de casser l’ambiance, je rappelle que l’évaluation du précédent plan métropolitain parle de décalage entre ambitions initiales et réalisations effectives : usage en hausse de la voiture, timides avancées pour l’usage des transports collectifs, modes “doux” (comme la marche et le vélo) sous-utilisés.

 

On peut bien se dire qu’on est tous d’accord, à la fois pour la planète, et pour nos poumons, pour changer, le plus difficile, c’est d’agir, et notre conviction, c’est que Lille, ville centre, doit être leader, précurseur, inspirante. 

 

Pourtant, il y a de la part de l’équipe de Mme Aubry, de l’attentisme : “vous demandez par exemple des bornes électriques, mais oui ! Il y a urgence ! La fin des moteurs thermiques c’est demain, c’est 2035. Nous, ce que nous avions prévu dans notre programme pour Faire Respirer Lille, c’est un schéma directeur d’équipement en bornes électriques en priorité dans les parkings publics et privés, avec calendrier, moyens, et conventions de partenariats. Il faut passer à la vitesse supérieure ! Vous demandez aussi à la MEL (métropole de Lille) de déplacer les cars intercités de Lille Europe. Mais ça fait 10 ans que les connaisseurs dénoncent l’absence de gare routière dans le grand Lille. Vous n’avez porté aucun projet dans le cadre des réflexions urbaines Euralille3000, animé aucun débat métropolitain pour la positionner.”

 

Se déplacer en sécurité à Lille

 

La municipalité en place veut des transports fluides, accessibles, et écologiques. Nous partageons ces 3 objectifs, mais il en manque un : la sécurité. “Vous citez simplement les problèmes de franchissements, toutes ces coupures urbaines où l’on a pas très envie de s’aventurer à pied ou à vélo. Mais il n’y a pas que ça. À pied, traverser des zones envahies par les trafiquants est anxiogène et en décourage plus d’un, à l’entrée du métro Gambetta, un lycéen s’est fait agresser il y a quelques jours en plein après-midi. Il faut être clair : nous voulons des mobilités sécurisées, car c’est aussi comme cela que l’on peut attirer plus de monde vers la marche.”

 

Associer les citoyens aux grandes décisions pour le futur des mobilités à Lille

 

Le futur des mobilités dans Lille passe nécessairement par réduire la place de la voiture individuelle “mais reconnaissons que ça n’est pas si simple pour tout le monde surtout qu’il manque de métros, bus, trams, TER, ici. Un retard qu’il faut avoir l’honnêteté de reconnaître. Et quand enfin se décident de nouvelles lignes de tram, bientôt, vous ne consultez pas les usagers sur le tracé. La commission nationale du débat public a désavoué votre méthode de travail, indiquant que les citoyens n’ont pas eu accès à des éléments de comparaison sur les alternatives au tracé que vous imposez et sur lequel nous sommes en désaccord.” 

 

Le financement des transports en commun à Lille : vers la gratuité totale ?

 

“Vous revendiquez ce soir les transports en commun gratuits pour tout le monde « à terme » alors même que certaines lignes sont saturées, et qu’il nous faut bien financer ces futurs projets. Se priver de 100M€ de recettes, c’est prendre le risque de proposer un service certes gratuit, mais insuffisant, et avec quelle qualité. 

 

Nous, nous priorisons la gratuité pour les – de 26 ans et les + de 65, et attendons le doublement des rames de métro et les futurs bus pour dire que la gratuité pourrait être mise en place pour tous. 

 

Bientôt des vélos électriques et des trottinettes en libre-service à Lille ? 

 

La ville de Lille est bien silencieuse sur les trottinettes, comme d’ailleurs sur les vélos électriques, bien utiles notamment aux seniors ! “Prenons l’exemple des trottinettes en libre-service à Roubaix : quand c’est bien organisé, ça marche. Faire comme si les trottinettes n’existaient pas, c’est renoncer aux principes de cohabitation, de complémentarité, de respect des différents modes de déplacements dans la rue. 

 

Et puis… vous demandez l’accroissement des parkings relais en métropole, certes, mais nous notre position c’est aussi des parkings sur le pourtour du centre-ville, à distance de marche. “

 

 

Faire de la ville marchable, une priorité à Lille. 

 

Lille… marchable ? Comme titrait récemment la Voix du Nord, “Marcher à Lille, c’est pas le pied”. Dans le baromètre des villes marchables 2021, Lille n’obtient la moyenne dans aucun des critères. La ville marchable, ce concept importé des États-Unis pour lutter contre la sédentarité (architecturalement, ce concept est bien incarné par les superblocks à Barcelone), ça n’a à peu près rien à voir avec les piétonnisations ponctuelles du vieux Lille. 

La ville marchable c’est dans le centre et dans les quartiers, des rues proches des transports en commun, connectés entre elles par de nombreux croisements, denses en habitations et en végétation, avec des commerces, où l’on trouve intérêt à marcher. Ce sont aussi de véritables itinéraires piétonniers identifiables avec bancs, fontaines et toilettes publics, d’un point d’intérêt à un autre. Une ville marchable n’a rien à voir avec une ville fermée sur elle-même, l’accessibilité des personnes à mobilité réduite, l’accessibilité aux visiteurs depuis les parkings, et la question des livraisons, sont à prises à bras le corps. Plus l’indice de marchabilité, c’est bon pour les commerces. L’indice de marchabilité, il influe surtout sur notre santé. Je vous renvoie à l’excellente étude des équipes d’épidémiologie et de santé publique de l’université et du CHU de Lille sortie en 2021, qui, ayant étudié les agglomérations de Dunkerque, et la notre, que ceux qui vivent ds les quartiers les plus marchables sont en meilleure santé cardio-vasculaire, moins de diabète, d’hypertension, d’obésité. Lille marchable ce serait un parti pris fort, pour penser la santé, les transports et les logements de demain. Comme aurait pu dire le baron Haussmann Lille marchable ce serait Lille “embellie, Lille agrandie, Lille assainie”. 

Ingrid Brulant

 

Note au lecteur :

Parce que l’avis de la majorité Aubry porté sur les mobilités ne nous a pas rassurés sur une volonté de donner l’impulsion, d’innover, et parce que l’équipe en place ne dialogue pas suffisamment avec les Lillois comme le montre tout récemment l’annonce brutale du stationnement payant, nous nous sommes abstenus sur l’avis de la ville de Lille concernant le futur plan de mobilité métropolitain. 

 

Rappel du programme de Faire Respirer Lille pour les mobilités (2020)

 

Développer les transports en commun

  • Les transports en commun gratuits pour les – de 26 ans et + de 65 ans
  • Deux nouvelles lignes de tram pour desservir le cœur de ville (cf légende)
  • Développement des mini-navettes électriques pour accéder aux parkings des zones piétonnes

 

Lille à vélo 

  • Des “Voies Vélo Express Végétalisées” (cf légende) : un réseau sécurisé sur les grands boulevards et grandes rues plantées d’arbres
  • Double-sens cyclables systématiques dans les voies à sens unique
  • + d’arceaux à vélo et de box sécurisés à proximité des lieux publics et commerces
  • 500 places vélos dans chaque parking
  • Caution solidaire et multiplication des stations VLille 
  • Sept nouvelles passerelles réservées aux piétons-vélos pour relier les quartiers (cf légende)

 

Redonner la place aux piétons 

  • Progressivement, création d’un nouveau secteur piétonnier en cœur de ville et d’une promenade piétonne continue de 5 km entre Saint sauveur et le Port de Lille (cf légende), en préservant l’accès à tous les parkings de centre-ville.
  • Nouvelle offre de 100 vélos-taxis, avec 5 stations vélos-taxis (cf légende) dans le secteur piéton
  • Des trottoirs larges et accessibles, avec une bande lisse de circulation pour les personnes à mobilité réduite, personnes âgées, parents avec poussettes, touristes avec bagages à roulettes…

 

Repenser la place de la voiture

  • 3000 places de stationnement supplémentaires aux entrées de Lille réparties dans 3 parkings silos démontables, connectés aux transports en commun (cf légende)
  • Repenser le stationnement : nouvelles zones de tarif-résidents, mise à disposition de nouvelles places dans les parkings souterrains, extension du tarif professionnel, gratuité pour les voitures en autopartage, doublement des places pour les personnes à mobilité réduite 
  • Nouvelle gare routière pour les autocars de tourisme et une zone de rendez-vous pour le  covoiturage aux abords de Lille
  • Voie réservée au covoiturage, bus, taxis, ambulances… sur le périphérique et les autoroutes à proximité
  • Bornes de recharge pour les véhicules électriques dans tous les nouveaux projets
  • Développer la livraison des colis en véhicule électrique et à vélo
  • Création d’une ZFE (zone à faibles émissions) avec sortie du diesel d’ici à 2026 et sortie de l’essence d’ici à 2035.

 

Et… des États généraux de la mobilité à l’échelle du Grand Lille dès la rentrée : penser la mobilité au-delà des frontières ! Mettre à plat, avec les différents acteurs de la MEL, de la Région, et nos amis transfrontaliers de Belgique et de l’Eurométropole, les différentes hypothèses de schémas et leurs coûts en pensant la mobilité comme Eurométropolitaine et non simplement à l’échelle de la ville de Lille.

www.fairerespirer.fr